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O anti-racismo face às armadilhas da sociedade do espectáculo (Nicolas Lebourg)

14 de Setembro de 2019


L’antiracisme face aux pièges de la société du spectacle

Si l’absence de pertinence du concept de racisme anti-Blancs devient un dogme pour une partie de la gauche, la proclamation de l’étendue de sa réalité devient un étendard pour les extrêmes droites, mais aussi des personnes droitisées. Des deux côtés, on défend son point de vue en affirmant qu’il est le réel, sans s’encombrer de nuances.

Nicolas Lebourg*

Et voici que, à la suite des propos de Lilian Thuram sur le racisme dans les stades italiens (où, parlant des supporters de football, il indique qu’il « est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être », s’attirant les foudres de la Licra et du commentateur sportif Pierre Ménès), resurgit le débat sur l’existence d’un racisme anti-Blancs. Il faut prendre au sérieux la complexité de ce que recouvrent ces polémiques autour des questions de race, pour mieux en saisir les nuances.

Il n’y a par exemple rien de moins vrai que d’admettre l’évidence de l’existence de Blancs. Les catégorisations raciales se sont développées avec l’expansion coloniale. L’une d’elles est ainsi l’œuvre du médecin français François Bernier, parti vivre 12 années en Inde où il a servi l’empereur moghol. Dans une revue française, il propose en 1684 de rassembler les hommes en quatre races : l’africaine, l’européenne, l’asiatique et la lapone. La première est la seule à être définie par une couleur de peau, tandis que la race européenne, supérieure à toutes, inclut aussi bien les Indiens d’Amérique que les Maghrébins. Au XVIIIe siècle, le naturaliste suédois Carl von Linné organise les choses avec une hiérarchie des races par continents, avec tout en haut les Européens et en bas les Africains, juste avant les monstres et les « sauvages ».

La grande période de la raciologie qu’est la fin du XIXe siècle est encore moins porteuse de l’idée d’une unité de la race blanche. D’autant que, depuis 1819, existe le mythe d’une race « aryenne », originaire du sous-continent indien, mais ayant donné jour tant aux Européens qu’aux peuples de cette zone. À la fin du siècle, l’idée est complétée avec en parallèle l’invention de la race juive qui serait éternellement opposée aux Aryens. C’est aussi en 1892 que naît en français le mot « racisme », utilisé pour défendre les Français du Nord, dits de souche gauloise, contre leur submersion par ceux du Sud, dits de souche latine.

L’invention des Blancs

L’idée d’une unité des Blancs n’a rien pour plaire aux nazis, d’autant qu’outre leur haine des juifs ils considèrent les Slaves comme des sous-hommes, tandis que les Russes sont très souvent perçus comme asiatiques et non européens par les racistes d’Europe occidentale. Certes, le racisme ségrégationniste américain est un premier pas pour le théoricien phare du nazisme Alfred Rosenberg. Quand, devenu ministre des territoires occupés à l’Est en 1941, il y mène une politique de mise en esclavage, l’un de ses fonctionnaires lui écrit : « On ne peut transformer en nègres quarante millions d’hommes à qui la nature a donné une peau blanche. »

Ce trouble idéologique existe également dans la presse destinée à promouvoir l’engagement des divers groupes ethniques et nationaux au sein de la Waffen-SS, où le dignitaire nazi Wilhelm Stuckart peut ainsi écrire que « l’espace vital de la famille de races blanches est l’Europe », avec un pluriel et une restriction de la blanchité à un seul continent qui soulignent l’ambiguïté de la représentation. C’est, pour simplifier, après la Seconde Guerre mondiale que le racisme se structure dans sa forme actuelle, présentant l’humanité en grands blocs définis d’abord par leur épiderme, avec le passage de l’aryanisme au nationalisme blanc

L’un des problèmes majeurs des polémiques actuelles est qu’elles tiennent la subdivision raciale entre Blancs et Noirs comme un fait acquis, naturel et multiséculaire, établissant une continuité du Code noir à l’instant présent, alors qu’il s’agit d’une construction politique à la sédimentation complexe. Rien ne prouve ainsi que le racisme sera encore structuré comme aujourd’hui dans deux siècles. 

Le racisme : un système idéologique

Dans cette plasticité du racisme, il existe toutefois des marqueurs constants. En tant que système politique, le racisme, tout comme l’antisémitisme et l’islamophobie, est une dialectique qui fonctionne par la péjoration ethnoculturelle d’un groupe, et le désir de régénération ou de préservation ethnoculturelle d’un autre. Ainsi, l’intensité de l’antisémitisme nazi est inséparable de l’adhésion absolue à l’idée de régénération aryenne : le racisme n’est pas qu’un fait culturel ou structurel, il participe de l’enthousiasme d’un projet de « renaissance collective ».

Or ce projet politique ne saurait être l’apanage d’un groupe biologique. Le racisme est un système idéologique et une représentation du monde : nulle personne à gauche ne viendrait clamer qu’aucun Noir ne peut être écologiste, communiste ou d’un quelconque autre système idéologique. Pourtant, par confusion entre un système structurel de discriminations sociales et ce système idéologique, répéter sur les réseaux sociaux que « le racisme anti-Blancs n’existe pas » devient un dogme, s’accompagnant même de l’affirmation – fausse – selon laquelle la notion aurait été inventée par le théoricien néofasciste François Duprat.

Comment qualifier alors des groupes qui proclament que la race noire est supérieure et la race blanche inférieure ? En 2004, l’État a dissous le groupuscule Tribu Ka, qui défendait une telle hiérarchie raciale, sur la base classique de notre législation antiraciste, motivant le décret de dissolution par le fait que ce groupuscule incitait à la haine et à la discrimination « à l’encontre des personnes qui ne sont pas de couleur noire ». Cela fait donc 15 ans qu’il existe une réalité empirique et/ou juridique de la répression du racisme contre les Blancs, tandis que le débat public oppose des personnes qui affirment que seul ce racisme ne serait pas poursuivi à d’autres qui proposent que l’on fasse comme si cet objet n’était pas digne de figurer dans le réel.

Antiracisme : que faire ?

Pour le droit démocratique comme pour l’historien, le racisme ne saurait être limité à tel ou tel groupe. Les intellectuels qui défendent l’idée que le racisme anti-Blancs n’existe pas inscrivent plus leur analyse dans le cadre des structures sociales que dans celui des projets politiques et des représentations culturelles au long cours. Socialement, il est certain que le discours tenu par les obsédés du « racisme anti-Blancs » est factuellement faux, et que si un Blanc peut être un jour victime d’une injure raciste, un Noir connaît au jour le jour un système discriminatoire d’accès au travail ou au logement.

Néanmoins, historiquement, le racisme n’est ni la discrimination ni « une idéologie de la haine et de l’exclusion », selon la formule rituelle des années 1980, mais une construction sociale où le rejet d’un groupe minoritaire est indissociable de l’apologie de l’unité du groupe majoritaire. Il ne peut se comprendre qu’en observant l’articulation entre ces deux aspects, qui lui fournit sa puissance mobilisatrice.

Il n’est donc pas rationnel de faire de la formule « le racisme anti-Blancs n’existe pas » un mantra de gauche. Sauf à user des mêmes procédés que les islamophobes répétant en boucle le mythe conspirationniste selon lequel le mot « islamophobie » serait une invention des mollahs iraniens et ne devrait pas être utilisé. Dans les deux cas, il s’agit de purger le langage pour affirmer un monopole de lecture du réel.

Penser qu’un Noir ne pourrait être raciste devrait éveiller chez les antiracistes l’écho de la phrase justement décriée de Nicolas Sarkozy sur « l’homme africain » qui ne serait « pas entré dans l’Histoire ». Que racistes et islamophobes brandissent l’antiracisme pour assurer de l’impossible coexistence entre groupes ethniques et raciaux ne saurait imposer que l’antiracisme s’enferme dans des dogmes. Au contraire, cela doit amener l’antiracisme à sortir de sa crise militante pour non plus seulement répondre à l’hostilité envers les minorités, mais aussi au projet d’unification culturelle et sociale de la nation que porte le racisme, et qui le légitime aux yeux de beaucoup comme un projet émancipateur. Sans cela, l’antiracisme prend le risque de perdre le combat idéologique.

* Historien, chercheur au Centre d’Études Politiques de l’Europe Latine (CEPEL) à l’université de Montpellier, il est spécialiste de l’extrême droite.

Mediapart 9/9/19

https://www.mediapart.fr/journal/france/090919/l-antiracisme-face-aux-pieges-de-la-societe-du-spectacle?utm_source=20190909&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20190909&M_BT=1701573904

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