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“Le Monde”: Portugal desliza inexoravelmente para a pobreza

O diário “Le Monde” vai publicar amanhã uma reportagem em que o seu enviado especial a Portugal traça um quadro catastrófico para o futuro, depois de começar por observar que o país «mergulha numa profunda atonia económica».

Uma reportagem não aconselhável a pessoas impressionáveis.

Chômage, récession, rigueur :

le Portugal glisse inexorablement vers la pauvreté

A l’appel des deux principaux syndicats, une grève générale est prévue mercredi 24 novembre

Lisbonne Envoyé spécial

REPORTAGE

C’est la crise sans les bulles, une épouvantable gueule de bois sans s’être vraiment enivré. Le Portugal s’enfonce dans une profonde atonie économique sans avoir connu les délires bancaires de l’Irlande, les folies immobilières de l’Espagne ou même les colères de la rue grecque. De tous les surendettés de l’Union européenne (UE), c’est le pays qui a le plus de mal à compenser par des ” points forts ” les ” points faibles ” recensés par les analystes. Il n’est pas forcément menacé d’une banqueroute immédiate, mais comme dépourvu de perspectives d’amélioration.

A Lisbonne, chaque interlocuteur vous quitte en s’excusant de ne pas avoir aperçu quelque chose de positif à l’horizon. L’industrie ? ” L’appareil productif a été détruit par l’intégration européenne “, déplore Carvalho Da Silva, secrétaire général de la CGTP, principal syndicat du pays. Ces dernières années, le Portugal, handicapé par une faible compétitivité, a vu partir plusieurs de ses principaux exportateurs. Dans le nord du pays, les dernières entreprises textiles ferment sous la pression de la concurrence asiatique. L’agriculture ? ” Elle a aussi été laminée par la marche forcée vers le tertiaire “, constate Fernando Rosas, historien et ancien député du Bloc des gauches (anticapitaliste).

L’aide extérieure ? ” Pendant trente ans, l’économie du pays n’a presque jamais été portée par sa croissance, généralement faible, mais par les subsides de l’étranger,explique le sociologue Antonio Barreto. Il y a eu les sommes rapatriées par les émigrés, les subventions de l’UE, puis l’endettement des ménages et des entreprises grâce aux facilités de crédit offertes par l’euro. Tout cela est bien fini aujourd’hui. “

L’avenir du Portugal se réduit donc à une année 2011 qui s’annonce ” terrible “d’après ces observateurs. Avec un chômage qui établira des records historiques à plus de 11,5 %. Avec une récession qui pourrait plonger bien plus profondément que les – 0,2 % du produit intérieur brut (PIB) attendus. Avec surtout l’entrée en vigueur d’un budget d’une rigueur jamais vue, destiné à faire reculer le déficit public de 7,3 % du PIB cette année à 4,6 % fin 2011.

Erosion de l’emploi stable

Le gouvernement socialiste va amputer les salaires des fonctionnaires, augmenter les impôts et la TVA, rogner les aides sociales et les allocations familiales, réduire ses investissements. Mesures qui aggraveront l’appauvrissement de la classe moyenne, dans un pays où de plus en plus de salariés doivent se contenter d’un salaire minimal fixé à 475 euros mensuels. Par ricochet, cette politique amplifiera encore le nombre de ces petits boulots annexes, qui permettent de s’en sortir, et le champ de cette précarité qui n’en finit plus d’éroder l’emploi stable, y compris au sein de la fonction publique.

A rigueur sans précédent, réaction inédite : une grève générale, mercredi 24 novembre, à laquelle appellent conjointement, pour la première fois depuis la révolution de 1974, les deux principaux syndicats du pays, la CGTP, proche du Parti communiste, et l’UGT, proche du Parti socialiste (PS) au pouvoir. Carvalho da Silva, lui, assigne, entre autres objectifs, celui de ” poser le mouvement syndical comme une force qui peut contribuer à la rénovation du système politique “.

La crise économique est en effet intimement liée à l’agonie d’une pratique du pouvoir rejetée par beaucoup de Portugais. Le premier ministre, José Socrates (PS), avec une majorité relative, ne gouverne que par défaut. Aux législatives de 2009, il s’est sauvé en octroyant aux fonctionnaires une augmentation qu’il leur reprend aujourd’hui. Leur sentiment de trahison est accru par sa sous-estimation de la situation pendant le premier semestre de cette année. Mensonge ou incompétence ? Quels que soient ses torts, le gouvernement ne risque pas de sanction des urnes avant l’élection présidentielle du printemps 2011.

D’ici là, la scène politique est comme vitrifiée. Le budget est passé grâce à l’abstention du PSD (droite), ravi de laisser le sale boulot aux socialistes. Et ce petit jeu entre les deux formations qui se succèdent au pouvoir n’en finit plus d’exaspérer ses observateurs. ” Plus rien ne distingue leurs politiques clientélistes. Ce sont deux regroupements de gens organisés pour s’emparer du budget de l’Etat “, s’emporte le politologue Manuel Villaverde Cabral.

” Personne n’a été capable de susciter l’adhésion de plusieurs partis à un programme commun qui prendrait les mesures adéquates et resterait ferme sur leur application “, déplore M. Barreto. Ancien exilé de la dictature, celui-ci se pose, à regret, des questions qu’il pensait évacuées de l’histoire du Portugal : ” Sommes-nous capables de résoudre cette crise en démocratie ? Ou est-ce que tout cela va finir par un régime autoritaire ? “

Jérôme Fenoglio