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França: Altice abre o baile dos despedimentos

Os franceses usam o eufemismo “planos sociais” para se referirem a planos de despedimento que passam por uma negociação com as vítimas. Uma coisa do tipo “quer queiras quer não serás despedido voluntário”, realidade comum aos grupos de media portugueses. A Altice antecipou-se aos efeitos da crise do coronavírus e, como titula o “Libération”, abriu o baile dos despedimentos. O convite à valsa é dirigido, prioritariamente, aos trabalhadores do seu sector audiovisual. (JAG)

C’est le premier grand plan d’économies dans les médias, consécutif au coronavirus et à la crise du marché publicitaire qu’il a engendrée. Il touche la partie audiovisuelle du groupe Altice (également propriétaire de Libération, dont la cession à un fonds de dotation [1] à but non lucratif a été rendue publique la semaine dernière). Réunie sous l’appellation «NextRadioTV», cette activité comprend notamment les chaînes BFMTV, RMC, RMC Découverte, BFM Business, etc. Annoncé ce mardi, ce plan, dont le montant d’économies attendu n’est pas précisé, passe d’abord par des coupes dans les effectifs. Combien exactement ? L’entreprise ne le dit pas. Un plan de départs volontaires va être proposé aux plus de 1 600 salariés de l’entité. «Les licenciements contraints n’interviendraient que si le nombre de volontaires était insuffisant», ajoute le groupe Altice, maison-mère de l’opérateur télécoms SFR, détenue par le milliardaire Patrick Drahi.

Les plus précaires vont trinquer : «Le recours aux intermittents, aux pigistes et aux consultants sera divisé par deux», prévient Altice. Mais les titulaires de CDI et de CDD pourraient ne pas être épargnés. L’entreprise explique que les effectifs «ont augmenté de plus de 50% ces six dernières années». Par ailleurs, elle confirme l’arrêt de la chaîne d’information RMC Sport News et revoit à la baisse son engagement dans les droits sportifs. Son bouquet RMC Sport ne diffusera plus ni athlétisme, ni équitation, ni tennis. Autre source d’économies : des rapprochements entre NextRadioTV et Altice France sur les «fonctions support», c’est-à-dire la gestion, la comptabilité, les ressources humaines, ainsi que dans la publicité.

BFMTV peu touchée

Alors qu’il doit publier ses résultats du premier trimestre 2020 mercredi soir, le groupe, en plein chambardement, envoie un message très clair et très doux aux oreilles des marchés financiers : voici venir le temps de la cure d’austérité. Aux dernières nouvelles, la multinationale n’allait pas si mal [2] pourtant. «Malgré la très grande qualité éditoriale et les audiences records du groupe, la réalité économique est bouleversée, depuis plusieurs années, par les évolutions du secteur, et désormais par l’écroulement des recettes publicitaires dû à la crise du Covid-19», justifie aujourd’hui Altice.

Une source interne haut placée décrypte : «Nous donnons la priorité à l’information, en se concentrant sur BFMTV, qui ne sera que très marginalement touchée, et sur le développement de BFM en région et de BFM Business.» La chaîne d’info, qui a cartonné récemment (4,1% d’audience en mars et 3,4% en avril, contre 2,5% environ d’habitude) a ouvert des déclinaisons locales à Paris, Lyon et Lille. L’autre grande marque du groupe, RMC, est également citée en priorité.

Chez TF1, M6, NRJ aussi…

Il est fort à parier que le groupe Altice, avec son «plan de reconquête post-Covid et de transformation», ne fait qu’ouvrir le bal des plans sociaux dans les médias français. Sans aller aussi loin dans le détail, d’autres groupes ont préparé le terrain [3] ces dernières semaines. M6 a prévu de diminuer les dépenses de 100 à 200 millions d’euros, TF1 a promis des «économies massives», NRJ a entamé un «plan de réduction des charges et des investissements»… Dans la presse écrite et numérique, moins solide que l’audiovisuel, la chute des recettes publicitaires risque d’être plus sanglante encore. La faillite du distributeur Presstalis [4] n’arrange rien. Mardi, Alain Weill, propriétaire de l’Express à titre personnel et PDG d’Altice France, a annoncé en interne la «bonification» de la clause de cession. Ce dispositif spécifique à la presse permet aux journalistes de quitter leur entreprise avec des indemnités après un rachat. L’hebdomadaire a pourtant déjà considérablement taillé dans ses effectifs [5] l’an dernier.

Si la vague commence à se former en France, elle a déjà submergé plusieurs médias aux Etats-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique, le filet social beaucoup moins protecteur pour les salariés permet aux employeurs de prendre très vite des décisions radicales. Depuis plusieurs semaines, les plans de réduction des coûts se succèdent à une vitesse hallucinante, notamment dans les médias gratuits, touchés par la crise de la publicité. Ces derniers jours, Vice a annoncé 155 licenciements. Encore très dépendant des annonceurs, le site d’information Quartz, pourtant reconnu pour sa capacité d’innovation, va se séparer d’environ 80 employés, près de la moitié de ses effectifs.

Même The Economist

Buzzfeed, l’une des nouvelles «marques» les plus scrutées des années 2010, continue de réduire la voilure. L’entreprise américaine a décidé d’éteindre ses activités d’information au Royaume-Uni et en Australie, pour se concentrer sur son marché domestique. Mi-avril, une autre star des nouveaux médias, Vox, annonçait la mise en congé forcée de trois mois de 9% de ses effectifs. Des éditeurs bien installés souffrent également. C’est le cas de Condé Nast, qui publie Vogue, Vanity Fair ou le New Yorker : une centaine de licenciements et autant de congés temporaires ont été décidés.

Ailleurs, même The Economist, le riche éditeur du magazine britannique, va supprimer 90 postes sur 1 300. Ce plan devrait épargner la rédaction. L’entreprise est pourtant prospère : elle a dégagé 31 millions de livres de bénéfice opérationnel en 2019, sur un chiffre d’affaires de 333 millions, en croissance. Surtout, elle s’appuie sur une base de lecteurs immense, supérieure à 1,1 million d’abonnés, elle aussi en progression. Au Royaume-Uni, le Guardian, le Daily Telegraph et le Financial Times ont tous prévu de faire des économies, malgré des audiences puissantes et des santés financières plutôt bonnes. Un autre témoignage de l’effet dépressif du Covid-19 sur l’ensemble du secteur.

Jérôme Lefilliâtre

(“Libération” 19 maio 2020)