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França: Um passo para acabar com a impunidade dos gigantes tecnológicos

A França tomou a decisão unilateral de começar a taxar os lucros dos gigantes tecnológicos, depois de ter falhado o projecto de aplicar essa medida em toda a União Europeia. Laurent Joffrin, director de “Libération”, considera a medida insuficiente, tendo em conta o volume dos lucros dos GAFA (sigla para Google, Amazon, Facebook e Apple).

Gaffe aux Gafa

Les Gafa, ou l’arrogance. Ils étaient sympathiques, ces geeks frais émoulus des écoles qui allaient changer le monde en détectant avant les autres les immenses possibilités que recelait la technologie numérique dans les domaines du savoir, des données, de la distribution ou de la communication. Mais depuis, des milliards de clics ont coulé sous les ponts des «autoroutes de l’information». Les start-up juvéniles sont devenues des féodalités mondiales qui influencent la vie de l’humanité, engrangent des profits himalayesques, jouent à fond le jeu de la Bourse et de l’optimisation fiscale, édictent leurs propres règles au nez et à la barbe des Etats souverains, abusent de leur position dominante, tiennent tête aux nations démocratiques et courbent volontiers l’échine devant les dictatures tant qu’ils peuvent se remplir les poches.

Au début du XX siècle, on fustigeait les «barons voleurs» de l’eldorado capitaliste américain, la Standard Oil de Rockefeller, les mastodontes industriels possédés par JP Morgan, Ford ou Carnegie, constitués en oligopoles surpuissants tenant la dragée haute au Congrès et au Président. Ces condottieri du marché roi ont trouvé leur jumeau cool un siècle plus tard, en la personne des fondateurs d’Apple, Google, Facebook ou Amazon.

C’est pourquoi le gouvernement français, en la personne de Bruno Le Maire, a eu cent fois raison de prendre les devants et d’instaurer une taxe nationale sur le chiffre d’affaires de ces Gafa [1] dont le taux d’imposition moyen est inférieur à celui d’une boulangerie de village ou d’une PME de la chaussure. L’Europe, une nouvelle fois, a manqué une occasion de défendre les peuples qu’elle est censée protéger en se divisant sur le principe d’une telle taxe, échouant donc à instaurer cet impôt minimal dont la portée eût été décuplée par une action unitaire. Trouille des représailles, libéralisme dogmatique et congénital ? On ne sait trop. Acceptation, en tout cas, d’un rapport de force qui laisse les gouvernements démocratiques impuissants face à ces géants numériques qui agissent comme en pays conquis.

De la même manière, on disserte depuis des années sur les moyens de juguler les logorrhées haineuses, racistes, antisémites, sexistes qui infestent les réseaux sociaux. Sans poser la seule question, qui vaille : pourquoi un site d’information est-il traduit en justice, mis en examen et sanctionné par la loi quand il publie un message de ce genre, alors que les responsables de Gafa jouent les Ponce Pilate cousus d’or en prétendant qu’ils ne sont en rien éditeurs de contenus, alors qu’ils exercent déjà, en solitaire, une censure privée sur lesdits contenus, en interdisant les seins nus, mais en laissant diffuser les croix gammées ? Comme au Moyen Age, la loi vaut pour les manants, non pour les seigneurs prédateurs.

Une autre bataille est en cours, au niveau européen toujours, autour d’une directive visant à protéger le droit d’auteur et à assurer aux producteurs d’information, journaux, radios, télévisions ou agences, une maigre part du trésor accumulé par les maîtres mondiaux des données. La peur des Etats, qui craignent des rétorsions américaines, et l’action délétère des idiots utiles de l’ultralibéralisme numérique, tels les «partis pirates», qui se disent libertaires mais ne sont au fond que des supplétifs de l’accumulation capitaliste, ont déjà réduit le projet comme peau de chagrin. Google, qui ne recule devant rien, assis sur son quasi-monopole sur le «search», use parallèlement d’un chantage pur et simple pour contrer la volonté des élus, en menaçant ouvertement de ne plus, ou de mal référencer, les médias qui auront le front d’appliquer la nouvelle loi. «Don’t be evil», disait la multinationale dans ses chartes internes. La devise a été remplacée l’année dernière par un slogan plus flou:
«Do the right thing»(«faites ce qui est juste»). On comprend le sens de cette réforme sémantique:«The right thing», «ce qui est juste», c’est ce qui plaît, non aux citoyens, mais aux actionnaires de ces sociétés et aux multimilliardaires qui les dirigent.

LAURENT JOFFRIN “Libération” 6 março 2019